Valérie Zoydo – Auteure-réalisatrice, à l’initiative de l’Assemblée citoyenne des imaginaires
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Dans notre série d’experts sur les « Nouveaux Récits & Imaginaires Collectifs », découvrez la Positive Interview de Valérie Zoydo, auteure-réalisatrice, à l’initiative de l’Assemblée citoyenne des imaginaires.
Pour elle, l’écologie ne doit plus être une fin en soi mais plutôt au coeur de notre rapport au monde, de nos habitudes … Comment arriver à cela ? Grâce à la « pédagogie clandestine ».
En écrivant des récits sur la transition d’un point de vue individuel et collectif, elle inspire et embarque dans des imaginaires où le futur est compatible avec la préservation du vivant.
Storytelleuse du changement: kezako ?
Le storytelling du changement consiste à raconter la transition du point de vue individuel et collectif. Ça passe par plein de médias différents : ça peut être à travers le journalisme, le documentaire, le cinéma, l’accompagnement des entreprises, le théâtre, etc. Pourvu que ces récits, ces histoires, portent un nouvel imaginaire et pourquoi pas engendrent de nouveaux mythes.
Qu’est-ce que l’Assemblée citoyenne des imaginaires ?
L’assemblée citoyenne des imaginaires, c’est un projet un peu fou, parce qu’il a comme objectif et comme pari de réunir autour de la table des scénaristes, des citoyens et des experts pour ensemble engendrer les récits du futur, les récits d’un monde souhaitable et compatible avec le vivant. Pour ce faire, on a vraiment créé un voyage en plusieurs étapes ; la première étape consiste à rejoindre le citoyen où il est et pas où on voudrait qu’il soit, pour éviter l’écueil justement dans lequel on est peut-être un peu tombés dans le storytelling du changement qui était les « il faut que, il n’y a qu’à ». Donc on va d’abord interroger le citoyen sur son rapport au réel, quelle est sa compréhension des enjeux actuels contemporains, son rapport à l’imaginaire, quels sont les héros dans lesquels il aimerait s’incarner, son rapport aux émotions -quelles sont les émotions qui le mettent en mouvement.
La deuxième étape c’est l’inspiration : avant de le mettre à l’écriture, encore faut-il qu’il comprenne à quoi ressemblerait une société compatible avec le vivant, c’est quoi la pensée complexe. Donc on a organisé un grand événement le 11 mai à l’Académie du climat, où on a eu pas mal d’experts qui ont insufflé cette fameuse pensée. Et ensuite la troisième phase, qui est la phase actuelle, c’est l’écriture. Donc on a des ambassadeurs dans toute la France, qu’on appelle les « imaginateurs », qui organisent des ateliers sur leur territoire et toujours dans cette veine de faire émerger des récits du futur. Tous ces récits vont être traités, analysés, décryptés et soumis, pour ensuite que les scénaristes puissent écrire à partir de cette matière citoyenne. Donc ces scénaristes vont partir en septembre en résidence d’écriture dans un éco-lieu et écriront des « pré-synopsis » qu’ils soumettront à leur tour à l’Assemblée citoyenne le 14 octobre prochain au festival Atmosphère devant mille personnes, et les citoyens présents pourront amender, faire des inputs et enrichir les récits tant au niveau des personnages que les éléments du décor, les enjeux narratifs, etc. Et avec ces enseignements, les scénaristes retourneront à l’écriture et rendrons leur copie finale à la fin de l’année.
La pédagogie clandestine, c’est quoi ?
La pédagogie clandestine, c’est une manière surtout de ne pas faire de l’écologie une fin en soi, mais au contraire de la distiller dans les discours, c’est-à-dire au niveau de la psychologie des personnages, des éléments de décor et des enjeux narratifs. Pour qu’on divulgue finalement un nouvel être au monde, de nouveaux habitus d’une manière douce et subtile pour sortir du « il faut que, il n’y a qu’a » et que justement, ces récits ne soient pas pris pour des récits militants mais juste des récits qui reflètent les enjeux d’une époque, mais dont l’objectif est avant tout de raconter des histoires et pas de proposer des « recettes de cuisine ». Si tu veux un exemple, je peux te citer un contre-exemple : quel est l’imaginaire que l’on quitte ? J’ai l’habitude de citer l’imaginaire de Dallas, c’est-à-dire l’imaginaire du dollar et du pétrole, avec un personnage qui est au cœur de la dépendance aux ressources puisqu’il élève du bétail et il produit du pétrole : deux postes qui sont caractéristiques de leur émission de CO². En effet miroir de cette dépendance, il y a la dépendance de Sue Ellen à l’alcool. Donc on est vraiment dans cet imaginaire vraiment inhérent au capitalisme néo-libéral d’une société, d’une pensée linéaire d’extraction des ressources et de prédation ; et donc c’est cet imaginaire-là finalement, qui nous a forgé dans les années 1980/1990 avec du cynisme, de la compétition, de l’individualisme, la loi du plus fort, etc. Et aujourd’hui, tout l’enjeu est de proposer le strict opposé : comment on passe de la compétition à la coopération, de l’ego au cœur, de l’individualisme à l’altruisme, comment on réhabilite l’intelligence du cœur ? La bienveillance, etc. Et justement tout part de la psychologie des personnages, pour qu’on entre en empathie avec eux.
Des exemples de nouveaux récits ?
Des exemples de nouveaux récits, il y en a plein : un film comme Interstellar est un nouveau récit parce qu’il est à la fois extrêmement crédible au niveau scientifique et en même temps il propose un discours très métaphysique autours du sens de la vie, de l’amour -avec le fameux monologue du Docteur Amélia Brand qui dit qu’elle fait un voyage interstellaire parce qu’elle est mue par l’amour- c’est donc une proposition de nouveaux récits. Avatar en est un évidemment ; sur Netflix la Casa de Papel ; The OA aussi puisque là, ils font référence à la multi dimensionnalité ; il y a des récits comme Sense 8 des sœurs Wachowski -les réalisatrices de Matrix. Mais le fil conducteur, c’est toujours l’empuissantement citoyen à mon sens, c’est-à-dire comment on donne aux citoyens les outils pour se connaître lui-même et pour se poser la quête de sens.
Un positive word pour conclure ?
Pour moi le positive word qui m’anime beaucoup en ce moment, c’est intelligence du cœur, parce que pour moi, le cœur est un muscle qui doit se travailler et c’est un moteur je pense dans le cadre de cette transition de ne pas faillir et de garder une certaine discipline autour du cœur. Ça s’entraîne pour justement peut-être proposer un autre être au monde vis-à-vis des forces un peu « sombres » : l’intelligence artificielle, des logiques prédatrices, etc. Comment on créé une nouvelle abondance à travers cette intelligence du cœur.