Côme Girschig – Conférencier engagé

29 novembre 2023

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Quel est ton parcours et ton métier ?

Alors je suis diplômé des Ponts & Chaussées et de Sciences Po Paris, donc ingénieur de formation et après j’ai très vite été dans les thématiques écologiques : d’abord à l’ONU en tant qu’observateur, puis représentant de la France au sommet mondial de la jeunesse pour le climat ; et progressivement je suis devenu conférencier, conférencier engagé sur ces sujets, parce que je mène des actions en parallèle de mes conférences. 

Quelle est la place de la technologie dans la transition écologique ? Pourquoi ?

Pour l’instant la technologie occupe une très grande place dans la transition écologique, on a envie de la mettre un peu partout : dans le secteur de l’aviation, dans le domaine des transports par exemple ; et elle précède bien souvent des changements de comportement, c’est-à-dire qu’on considère que la base, c’est le business as usual et qu’ensuite la technique vient servir ce business as usual. Donc je pense qu’elle occupe trop de place aujourd’hui. 

Quelle risque cette vision de la technologie nous fait-elle courir ?

Pour moi le principal risque que nous fait courir la technologie aujourd’hui, c’est un risque d’attentisme. Prenons l’exemple de l’aviation à hydrogène : on sait qu’un jour -d’ici une dizaine ou quinzaine d’années- il y aura une technologie d’avion à hydrogène. Le problème, c’est qu’être persuadé que cette technologie émergera un jour, au présent ça nourrit un attentisme : pourquoi changer notre comportement si on sait que dans 10 ans, dans 15 ans une technologie permettra de subvenir à nos besoins ?  

Mais la difficulté avec la question climatique, c’est qu’il y a un sujet de timing : on s’en fiche de savoir qu’on trouvera une très bonne solution dans 15 ans ; il faut trouver des solutions qui délivrent des résultats au présent. Et pour ça malheureusement, il n’y a pas tant de solutions que ça, il faut modifier les comportements et ça, la technologie n’y peut pas grand-chose. 

Comment se prémunir de notre biais technologique ?

Pour se prémunir de notre biais technologique -qui est un biais culturel- je propose une méthode en 5 points. Les 2 premiers points sont assez évidents : c’est d’évaluer le risque matériel et le risque de dépendance géopolitique impliqué par un choix technologique. Je vais prendre un exemple, la 5G : déployer cette infrastructure demande la production de beaucoup de terminaux (des montres, objets connectés etc.), produire l’ensemble de ces objets va générer un appel de matières qui vient de plein de pays du monde (lithium, cobalt etc.) mais va aussi générer une dépendance au pays qui exporte ces matières : d’une part une dépendance d’ordre matériel et une dépendance d’ordre politique et ça c’est les 2 premiers points /Coupure/ Ensuite c’est 3 dimensions qui m’intéressent peut-être plus parce qu’on en parle beaucoup moins souvent ; il y a les problèmes de verrouillage socio-technique; de complexification de notre rapport au monde à travers la technologie ; et d’accélération sociale impliquée par la technologie, et je vais les prendre un par un. /coupure/ Pour le verrouillage socio-technique, il suffit de prendre un exemple historique en France et regarder le développement des villes. L’étalement urbain est directement lié à l’absorption d’une nouvelle technologie à l’époque qui était la voiture (plus ou moins sa généralisation à tout le monde) ; on voit aujourd’hui qu’on est dans une impasse parce que ces villes en étant très étalées on a besoin de transport pour aller travailler par exemple et donc on se retrouve bloqués dans le schéma de la voiture individuelle, qui est lié à ces phénomènes de banlieues pavillonnaires. Ça c’est un verrouillage socio-technique et il faut anticiper aujourd’hui dans le choix des technologies qu’on fait, ces futurs verrouillages socio-techniques. 

La quatrième dimension à prendre en compte, c’est la complexification impliquée par nos choix techniques. Prenons encore une fois l’exemple de la généralisation des objets connectés : avant on avait un grille-pain tout simple avec une résistance, aujourd’hui on a des grille-pain connectés avec des écrans à led, des circuits imprimés etc. Ce grille-pain devient complètement impossible à réparer soi-même et à mon sens ça génère une culture d’obsolescence qui est directement liée au type de technologie qu’on utilise, là où les low tech par exemple permettent une appropriation beaucoup plus forte : une récupération, une réparation et un recyclage locaux. 

Le 5ème et dernier critère c’est l’analyse de l’accélération sociale impliquée par les choix technologiques. /Coupure/ En général les nouvelles technologies qu’on développe provoquent une accélération technique. Cette accélération technique provoque une accélération individuelle qui elle-même provoque une accélération sociale. Prenons l’exemple de la 5G. La 5G permettra d’avoir du haut débit dans les transports et aussi de les autonomiser. Donc au niveau individuel, il pourra devenir assez normal et facile de travailler dans sa voiture ; et si ça devient une norme, globalement il deviendra absolument normal de travailler dans sa voiture. Et on voit bien que là, cette accélération sociale sera généralisée, ce qui provoquera une consommation encore plus forte d’énergie et de matière sans parler évidemment des risques psychologiques et humains liés à ces nouvelles pratiques.  

Un positive word pour conclure ?

Ce qui me donne espoir aujourd’hui, c’est qu’on n’a pas encore exploité le levier des nouveaux
imaginaires. Je vois ça comme un immense gisement de solutions qui consiste à travailler
globalement sur nos désirs plutôt que sur des infrastructures autour de nous. Et ça me donne
beaucoup d’espoir parce que dans tous les domaines : la publicité évidemment, dans le
cinéma, dans les séries etc. Bref dans tous les endroits où on produit de la culture ou on
produit des références communes, il y a des leviers à activer

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